Portraits

Mathilde Mottier & François Vila : en scène !

Le rideau se lève sur les créateurs du festival « Oui ! » de théâtre en français de Barcelone...

Sur scène comme à la ville, le sort se joue parfois sur un coup de tête. Et c'est sur un air de rock’n’roll que celui-ci est arrivé pour Mathilde Mottier et François Vila, qui se voyaient pour la première fois sur cette piste de danse à Montreuil, où quelques pas mal maîtrisés ont conduit au choc, l'accident : le coup de boule, quoi ! Généralement, la chorégraphie en reste là et les danseurs aussi. Mais pour Mathilde et François, ce fut le début de l'amour, qui soigne beaucoup mieux que n'importe quel autre remède les bosses et les bleus, n'en déplaise aux disciples d’Hippocrate.

Ce rapprochement intempestif marque donc la rencontre de deux passionnés que rien ne prédestinait aux arts vivants, et qui pourtant s'étaient épanouis tous deux dans ce milieu. Pour Mathilde Mottier, ce fut à travers le théâtre dès le lycée, puis au cours Florent à Paris, et dans la vie de troupe en tournée : « Je ne voulais pas tant devenir comédienne qu'appartenir à un groupe, une compagnie, partager une aventure dans les émotions ». Ce qui ne l'empêche pas de monter sur scène : à 23 ans, Mathilde est Annette dans « Poil de carotte », s'essaye au théâtre pour enfants, joue des pièces de boulevard, poursuit un compagnonnage avec certains anciens élèves du cours Florent, dont Marina Foïs, devient assistante à la mise en scène, productrice et organisatrice de festivals... Le monde du théâtre dans toutes ses facettes, en somme : « Cette idée de traverser les frontières m'a toujours plu, dans tous les sens du terme, entre les différents métiers, mais aussi entre le théâtre public et privé en France, parce qu'il y a dans ce milieu beaucoup de familles, et que je me retrouve dans nombre d'entre elles ».

Pendant ce temps, François Vila profitait de ce dont il avait toujours rêvé depuis tout petit, c'est-à-dire s'évader sur grand écran : « Le seul métier que je voulais faire quand j'étais gamin, c'était choisir les films dans les cinémas ». Sa cavale dans le septième art commence par des critiques dans des journaux locaux à Paris. Puis, après une formation en animation socio-culturelle et gestion des entreprises culturelles, c'est la découverte de l'univers du court-métrage et l'organisation de projections dans des cinémas parisiens prestigieux, comme le Max Linder ou le Kinopanorama. Les jeunes candidats réalisateurs s'appellent alors Cyril Collard, Jean-Pierre Jeunet, Cédric Klapisch, Éric Rochant ou Jan Kounen... Une génération du cinéma français avec laquelle François Vila participe d'une certaine manière à créer le métier qu'il s'était inventé dans son enfance. En assurant également la communication de festivals cinématographiques dans l'Hexagone, alors que Mathilde Mottier continue de travailler à l'organisation d'événements. C'est donc presque logiquement que Mathilde et François réalisent leur première production commune en 2009, avec l'adaptation à la scène du film « J'me sens pas belle ». Cette même année, ils assistent à l'intégrale de Wajdi Mouawad au festival d'Avignon. Un choc émotionnel supplémentaire qui les conforte dans l'idée d'aller plus avant dans l’univers du théâtre. Sans même qu'ils s'en rendent compte, tous les éléments sont déjà là pour mettre en place le festival du théâtre en français de Barcelone. Il ne reste qu'une étape...

… Franchir la frontière ! Et c'est en 2014 que Mathilde et François décident de faire ce pas à travers les Pyrénées. Pourquoi Barcelone ? Parce que le père de François Vila y est né; parce que les auteurs contemporains français sur la scène catalane se limitent alors à quelques auteurs cultes, comme Koltès. « Et puis parce qu'on se sentait bien ici », ajoute Mathilde Mottier. Mais le couple ne voulait pas arriver en « pays conquis » : « La première chose que l'on apprend dans les entreprises culturelles, c'est d'abord de connaître le terrain ». Mathilde et François prennent donc le temps de rencontrer les principales figures du théâtre catalan. Dans l'idée également de « ne pas faire de festival pour les expatriés », ajoute Mathilde Mottier : « C'est pour cela que nous travaillons avec plusieurs salles, pour présenter plusieurs styles de théâtre, différents formats et différents sujets qui puissent intéresser le public francophone comme le public espagnol et catalan ». D'où le parti pris de sur-titrer dès le départ toutes les pièces en castillan.

Quatre ans après, l'objectif est atteint : le festival « Oui ! » de théâtre en français est ancré dans l'agenda culturel de Barcelone, et pour longtemps sans doute... Mieux : le rendez-vous s'inscrit dans le paysage culturel catalan, avec des textes français qui sont parfois repris en espagnol par des metteurs en scène locaux. Le festival « Oui ! » fait donc désormais voyager les auteurs contemporains français (et les autrices aussi, certes, Mathilde !), par delà les cultures ou les langues. On ne saurait mieux traverser les frontières.

 

Francis Mateo

 

N'oubliez pas que le festival « Oui ! » de théâtre en français se poursuit jusqu'au 16 février 2020. Retrouvez ici le programme complet.