Portraits

Valérie Blanchard ou la chronique de Barcelone en peinture

Depuis Platon, le monde se divise entre ceux qui regardent vers le fond de la caverne, et ceux qui observent la réalité en face.

Les premiers vont puiser dans les introductions des guides touristiques ou les reportages véhiculant des clichés, alors que les seconds préfèrent vivre leurs propres expériences pour mieux appréhender le réel ou se tourner vers les artistes qui savent en rendre compte... comme Valérie Blanchard. Les touristes qui viennent à Barcelone pour la première fois feraient donc mieux d'oublier leur « Routard » et se rendre directement sur la Plaça del Pí, où Valérie Blanchard expose ses tableaux tous les week-ends en compagnie d'autres peintres. Ne vous inquiétez pas, amis touristes, vous reconnaîtrez facilement les œuvres de l'artiste à travers l'explosion de couleurs qui s'en dégage.

Si vous êtes en croisière, cher visiteur, profitez des trois heures d'escale devant ce stand chamarré : vous en apprendrez bien plus sur la ville, et beaucoup plus agréablement que vos pauvres compagnons de voyage ingurgitant une infâme sangria sur les Ramblas (et encore, ils n'ont pas vu la note!). Valérie Blanchard tient en effet avec ses pinceaux une sorte de « chronique de Barcelone » depuis qu'elle s'y est installée, il y a dix ans : le linge aux terrasses des immeubles, les fêtes de quartier, les marchands ambulants, les masseuses sur les plages, les mouettes au balcon, les joueurs de cartes, le guitariste sur la place, et bien sûr le touriste en claquettes (oui, tu seras aussi sur le tableau, précieux croisiériste, mais dépêche toi, c'est bientôt la fin de l'escale).

« Je peins ce que je vois », approuve simplement Valérie Blanchard. En remontant plus loin dans le temps, on peut la suivre sur ses peintures dans les bars de Marseille et sur les places de Granada, face aux buveurs de pastis et aux danseurs de flamenco. Avec, immédiatement, ce sentiment de sympathie qui se dégage des personnages ronds et souriants. Car Valérie Blanchard est une chroniqueuse épicurienne d'une réalité tout aussi festive, avec la musique et le soleil : « J'ai été très influencée par Granada, l'Andalousie et ses couleurs, les contrastes puissants entre l'ombre et la lumière, et la vitalité ». C'est à Granada que Valérie Blanchard a rencontré son mentor, le peintre japonais Toshima Yasumasa, auprès de qui elle a développé son art pendant vingt ans ; « C'est lui qui m'a fait découvrir la peinture et qui m'a donné l'impulsion ». À l'enseignement de son maître, Valérie Blanchard a ajouté sa connaissance de la musique et du théâtre de rue, son énergie et sa liberté sans dogme : « ¡ sin bandera ni frontera ! » Avec cette dose de curiosité qui l'amène aujourd'hui à expérimenter la sérigraphie pour transposer les gens et les rues de Barcelone vers un autre univers chromatique. Pour nous ouvrir aussi de nouvelles « fenêtres » sur la ville.