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Ceci n'est pas une crèche (c'est un article)

L’œuvre installée sur la Plaça Sant Jaume de Barcelone fait à nouveau polémique...

La capacité à créer le débat semble même être la principale vertu de cette structure à 360° réalisée par Paula Bosch, à entendre le foisonnement des commentaires qu'elle suscite. Il y a les outrés (« C'est de la provocation ?! »), les blasés  (« Après ce qu'on m'avait dit, je m'attendais à bien pire »), les esthètes (« Pas très joli »), les chauvins (« En Bretagne, même les vide-greniers sont plus beaux »), les moqueurs (« Encore une expulsion de logement ? »), les complaisants (« Il se peut que certaines personnes aiment ça ») et les chineurs (« Tiens, une brocante ! »). Mais surtout, il y a les incrédules : « Est-ce vraiment une crèche ? ». Eh bien non, « ce n'en est pas une à proprement parler, c'est un projet artistique sur ce que représente Noël », répond Paula Bosch. L'artiste a donc déballé (si je puis m'exprimer ainsi) tous ses souvenirs d'enfance à l'approche de cette période estivale, « le moment où on descendait à la cave avec les grands-parents pour aller chercher les décorations, les guirlandes, les figurines des différents personnages et des animaux de la crèche, les clochettes, les étoiles, le sapin et le bois que nous ramenions à la maison, le fameux plat de pâtes « l'Escudella », la bouteille de Cava débouchée pour l'occasion, et même les instruments de musique traditionnels comme la « bomba » et la « pandereta », toutes ces boîtes que nous sortions des armoires et dont nous redécouvrions chaque objet ».

Voilà donc: tout est là, en vrac, sur ces pavés entre la Mairie et la Generalitat. « Mais elle est où, la crèche ? » demande une passante dépassée...

Tous les promeneurs ne sont pourtant pas si insensibles au charme nostalgique de ce « projet artistique », et certains y retrouvent même un « parfum d'antan », le souvenir ému de « cette époque de notre enfance où on farfouillait dans les placards des grands-parents », l'âge de la « vaisselle spéciale pour Noël et des cartons amoncelés dans le grenier que nous ressortions avec joie et curiosité ».

Et on ose à peine, de crainte de jouer les rabat-joies, évoquer le prix de cette œuvre sur la Plaça Sant Jaume : 97.000 €. « C'est la somme du travail de plusieurs équipes », justifie Paula Bosch : « Au delà du travail artistique, il y a la location du matériel pour la sécurité, le nettoyage, la main-d'œuvre, le transport, la peinture et la TVA » (sic). Le prix étant fixé a-priori dans l’appel d'offre lancé par la mairie. Plus étonnant : Paula Bosch explique qu'elle a été choisie « parmi six candidats » ! Faut-il croire que le thème de « la crèche qui n'en est pas une » intéresse si peu les créateurs de Barcelone ?

Restent les soupçons de plagiat qui sont apparus lorsqu'un journal local a publié la photo d'une œuvre éphémère similaire réalisée avec des détritus en 2006 (1). Paula Bosch affirme qu'elle ignorait tout de cet antécédent. Et sa réponse apparaît si naïve qu'on ne veut en douter : « Je n'ai jamais rien plagié ! À ce compte là, on peut prendre n'importe quel catalogue où il y a des étagères et dire qu'il s’agit d'un plagiat »... Sans commentaire (puisque Ikea n'a pas pris parti dans l'affaire).

La crèche restera sur la Plaça Sant Jaume jusqu'au 13 janvier 2020, avant d'être exposée dans un autre lieu. Les mauvaises langues précisent que les caisses sont déjà prêtes pour le déménagement.

 

(1) voir ici l'article et la photo publiés dans le magazine Metropoli