Focus

Chronique d'une crise économique annoncée

Interview de Guillaume Rostand, président de French Tech Barcelona.

Quel est aujourd'hui le bilan économique du Covid-19 pour les entreprises françaises installées en Espagne ?
Guillaume Rostand : « Dans l'ensemble, les entreprises semblent tenir le coup car elles se sont adaptées rapidement à la situation par le télétravail, la négociation de prêts ICO, et la mise en place des plans de chômage partiel. Certaines ont même continué à croître, notamment les startups du e-commerce et du logiciel pour lesquelles cette période aura paradoxalement été une opportunité... Cependant, les secteurs les plus violemment et durablement impactés sont ceux dans lesquels on retrouve beaucoup d'entreprises françaises ou francophones : le tourisme, la restauration, le retail, l'événementiel. Dans ces segments, l'activité s'est arrêtée net et personne ne peut prédire avec exactitude quand elle reprendra suffisamment pour espérer retrouver un équilibre économique stable. C'est principalement pour ces entreprises que nous avons lancé l'opération« reboot and growth »
 
Quelle est cette opération exactement ?
Guillaume Rostand : « Reboot and Growth est une initiative à but non lucratif qui vise à apporter de l'aide aux entreprises françaises installées en Espagne. Notre constat est simple et double : nous savons que les effets économiques de la crise sanitaire vont se faire particulièrement ressentir à partir de septembre quand les mécanismes de soutien étatiques diminueront ; par ailleurs, les entreprises françaises basées en Espagne seront moins aidées que celles installées dans l'Hexagone. Nous devons donc nous organiser par nous-mêmes et tâcher de créer un élan de solidarité à l'intérieur de notre communauté. Dans ce but, nous avons réuni une vingtaine de professionnels de la finance et du droit, car les entreprises auront besoin en priorité d'une assistance technique pour passer le cap de ces mois difficiles : gestion du cash, recapitalisation, optimisation des besoins en fonds de roulement, voire accompagnement dans l'arrêt d'une activité... Concrètement, les candidats peuvent déposer un dossier sur notre site (1), et nous mettrons ensuite en contact les entreprises avec un « mentor », celui qui sera le mieux adapté aux problématiques présentées ».
 
«  Nous nous préparons tous à quelque chose de violent »
 
Quelles sont les perspectives pour la rentrée ?
Guillaume Rostand : « Elles ne sont pas très encourageantes. Nous vivons encore un peu dans un état de « flottement », favorisé par les mécanismes d'aides mises en place par les gouvernements. Nous nous préparons tous à quelque chose de violent mais, à dire vrai, la situation actuelle est tellement singulière qu'il se peut que le mois de septembre soit moins douloureux que prévu et qu'il ne soit que le début d'une crise dont on peut imaginer qu'elle risque de durer. Cette incertitude sur la durée des difficultés économiques est d'ailleurs très certainement ce qui angoisse le plus les acteurs économiques, et rend compliquée la prise de décision ».

Quelles sont les grandes difficultés qui s'annoncent pour les prochains mois ?
Guillaume Rostand : « Je crois que l'on peut résumer le problème en un mot : « le cash ». La trésorerie des entreprises est affaiblie par six mois d'activité très ralentie, la réduction des dépenses comme de la demande diminue les entrées d'argent ; et dans le même temps, l'accès au crédit devient de plus en plus compliqué. Sans liquidité, les entreprises risquent d'être face à des questions critiques : réduction de personnel, arrêt de l'activité, diminution des investissements... Avec le risque, pour nous tous, d'entrer dans un cercle vicieux ou la réduction des échanges financiers entraîne une précarisation accrue du marché. La plus grande difficulté résidera donc dans les choix à faire et la posture à adopter pour survivre à un ralentissement global de l'économie. Néanmoins, cette crise est aussi l'occasion de saisir des opportunités, de recentrer son business sur certaines opérations ou de valoriser ses assets, pour les vendre ou opérer des acquisitions ».