Barcelone et moi

Le journal du coronavirus – épisode 12

Lâchez les gosses !
 
 
Bon, finalement les mineurs de moins de 14 ans pourront sortir ! Voilà enfin résolue l'une des questions cruciales qui se posait dans le dernier épisode de notre journal du coronavirus. Enfin, c’est la seule question résolue, à vrai dire, mais c'est déjà un début. C'est même le premier pas en Espagne vers le dé-con-fi-ne-ment.
Évidemment, les choses n'ont pas été simples. On ne laisse pas sortir les enfants comme ça, sans consultation des experts du comité scientifique (ce qui se traduit au quotidien par : « Va demander à ta mère! »). Au départ, le gouvernement de Pedro Sanchez avait décidé que les enfants ne pourraient en fait rompre le confinement que pour accompagner leurs parents dans les pharmacies et les supermarchés... On imagine la scène au conseil des Ministres, sur Zoom :
- Bon, à partir de lundi prochain, on laissera donc sortir les gamins, mais uniquement pour aller faire les courses ou aller chez le coiffeur.
- Non, Pedro, les salons de coiffure restent fermés, rappelle Salvador.
- Mais ils n'étaient pas ouverts au départ ?
- Si, Pedro, mais finalement on les a fermés aussi.
- Et qui nous coupe les cheveux alors ?
- À moi, personne ! intervient Pablo, moyennement exaspéré par la tournure des débats.
Mais Pedro ne se laisse pas démonter :
- Donc, je résume : la semaine prochaine, les enfants pourront sortir pour accompagner leurs parents dans les pharmacies et les supermarchés...à l'exception bien sûr des Carrefour Market !
- Quoi?! Non mais tu déconnes, Pedro ?
- Mais oui, je déconne, Pablo ! Ça va, on peut bien se détendre un peu, non ?
 
 
... Euh, après consultation du comité d’experts scientifiques et des réseaux sociaux, le gouvernement espagnol autorisera aussi les mioches à sortir pour une petite promenade quotidienne de détente, mais toujours accompagnés d'un adulte. C'est deux fois plus de chances de faire le tour du pâté de maison pour ceux qui ont aussi un chien ! Les autres en profiteront pour revoir chez eux les films de W. C. Fields (« Celui qui déteste les enfants et les chiens ne peut être tout à fait mauvais »).
Remarquez bien : cela ne résout rien au problème des parents qui doivent aller travailler et ne peuvent faire garder leurs enfants. Mais à l'impossible nul n'est tenu : Pedro aura déjà assez de mal à convaincre Angela de l'aider à supporter le poids économique des mesures dont il ne comprend pas lui-même le sens, alors lâchez-le un peu, quoi !
Donc : chien et/ou enfant + adulte = sortie.
Ça s'appelle la « simplexité », un principe théorisé par le neurophysiologiste Alain Berthoz : l'art de rendre compréhensibles des choses compliquées.
Attention ! À ne pas confondre avec le « Simplarrivisme », un principe théorisé par Meritxell Budó, porte-parole de la Generalitat : « Si la Catalogne avait été indépendante, il y aurait eu moins de morts ».
Sinon, on peut aussi choisir la simplicité ; mais là, ça devient complexe.
 
 
 
© Texte : Francis Mateo – Illustrations : Valérie Blanchard